samedi 21 février 2015

Amélioration de l'accueil en centres de santé, des expériences innovantes

Comme chaque année, une des tables-rondes du  congrès 2014 des centres de santé était consacrée aux métiers administratifs. L'objectif de l'échange cette année : approfondir la question de la qualité à travers quelques exemples d'expériences innovantes. Il s'agissait de montrer comment les centres de santé, dans leur diversité, mettent en oeuvre des démarches d'amélioration continue de la qualité de leur accueil.
Ce débat faisait suite à celui organisé lors du 53e congrès sur les différents aspects du métier d’accueil en centre de santé, les compétences nécessaires pour l’exercer et l’apport de la fonction « accueil-administration » dans la mise en œuvre des missions des centres de santé. Ce débat avait débouché sur un article, ici dans ce blog-journal, et surtout, avec la complicité de fédéforma, sur une formation pour les personnels d’accueil et administratifs. Celle-ci a connu un franc succès (plus de 75 inscriptions, 3 sessions organisées) qui motive la reconduction de cette formation sous une forme améliorée pour 2015.
Céline Legendre - Jabri dans cet article reprend le contenu des quatre interventions de la table-ronde.

Céline Legendre - Jabri
Directrice adjointe de la Santé - Ville de Saint-Ouen (93).

Membre du bureau de la Fédération Nationale des Centres de Santé (FNCS).




Centre de santé du Comede : spécificité de l’accueil d’un public en grande précarité
Valérie Tartier, technicienne d’accueil au centre de santé du Comede à Bicètre, est venue exposer la réflexion de l'équipe d'accueil de ce centre de santé, dont la vocation est l'accueil de patients en très grande fragilité sociale (article publié dans revue "maux d'exil" 06/2014).

Le centre de santé du Comède.

Le Comede est une association créée en 1979. Son but est d’agir en faveur de la santé des exilés et de défendre leurs droits. Son action se déploie au travers de plusieurs lieux d'accueil à travers la France, dont un centre de santé situé au Kremlin Bicêtre, qui offre une prise en charge médicale, psychologique et sociale.

Contrairement à la plupart des centres de santé, le centre Bicêtre accueille en très grande majorité (87 %) des patients dépourvus de protection maladie, ce qui passe par la gratuité des soins et l’accompagnement proposé.

Le public du Comede est particulièrement vulnérable : 76% des patients sont demandeurs d’asile, 98% n’ont pas de « chez soi ». Afin d'accueillir et de soigner au mieux ces patients, dont près de la moitié sont non francophone, le comede a recours à des interprètes professionnels sur place, ou par téléphone.


Le rôle des accueillants.
Outre la gestion des rendez-vous - et en collaboration avec l'infirmière, l'orientation rapide vers les personnels médicaux pour répondre à des situations  médicale, psychologique ou sociale urgentes - les accueillants administratifs réalisent un travail d’accueil, d’information et d’orientation sur des thématiques très diverses :
· accès aux soins et aux droits : PASS, information et aide à l'ouverture des droits AME/CMUC.
· socio-juridiques : évaluation de la situation administrative et si besoin orientation en interne ou vers des associations d’aide aux sans papiers, aux demandeurs d’asile, etc.
· juridiques et médicales : l’accès au titre de séjour pour soin, certification asile.
· sociales : orientations externes pour domiciliations, aides alimentaire, vestiaires, cours de français, accueils de jour, activités culturelles.

Les valeurs de l'équipe d'accueil : l'écoute bienveillante, le soutien, l'orientation, la médiation.
L'équipe d'accueil se donne pour objectif de créer une relation de confiance entre le patient et le centre de santé. Pour cela, chaque patient doit bénéficier d'une écoute bienveillante et compréhensive, comme dans tout centre de santé, mais peut-être encore davantage lorsque le public est très vulnérable.
Une confiance qui passe aussi par l’explicitation de ce qu’est le Comede et de son fonctionnement, de ce qu’il peut proposer et de ses limites (pas un hôpital, pas de spécialistes, difficultés de joignabilité et de reprise de rendez-vous) et par le respect de la confidentialité.
Enfin, elle joue parfois un rôle de médiation face à des patients en très grande demande : temporiser, faire comprendre les contraintes de temps et de disponibilité, mais aussi réagir rapidement en cas de nécessité.

Réflexion de l'équipe sur la question de l'évaluation des urgences.
L'équipe s'est questionnée sur l'accueil et l'évaluation des demandes de rendez-vous urgents. Le premier biais qui intervient dans cette opération d’évaluation est sans doute le filtre de la subjectivité de l’accueillant. Selon sa sensibilité, son histoire, sa culture, il sera plus ou moins sensible à telle ou telle personnalité et situation. Et face à ces sensibilités diverses, il y a la diversité d’expressivité des personnes accueillies, dans le dévoilement plus ou moins important de leur histoire et de leur condition actuelle, avec larmes ou retenue, froideur ou supplique, agressivité parfois. Et sans doute, celui qui paraît calme et non pressant risque de se voir prier de rappeler ultérieurement. Mais qui dit qu’il ne cache pas un problème de santé ou un traumatisme important ? Celui qui se montre trop pressant ou agressif joue à quitte ou double, et peut provoquer une réaction de mise à distance ou le choix de céder ; mais a-t-il besoin de soin, d’un certificat médical, est-il désespéré ?
Et l’appréciation par le sujet lui-même de la gravité de sa situation ne doit sans doute pas être écartée. Car une difficulté qui peut sembler anodine à l’accueillant face aux atrocités entendues ailleurs peut sembler insurmontable et perturber gravement celui qui la traverse.
Quelles réponses et outils face à ces questions ?
· la subjectivité peut jouer un rôle positif : empathie et soutien de la personne en difficulté, réceptivité face à la fragilité.
·la transdisciplinarité et la collaboration avec les collègues, soit sur le moment en cas de doute, soit dans la suite de la prise en charge ; des réunions hebdomadaires permettent à l’ensemble de l’équipe de suivre les situations complexes et de grandes difficultés.
· des critères de vulnérabilité sociale (voir ci après), grille commune d’évaluation des situations, complémentaire aux aspects médicaux. Les accueillants sont attentifs à l'émergence spontanée des critères de vulnérabilité dans l'échange ; l'évaluation complète étant faite ensuite avec l’infirmier et/ou le médecin.


Les 8 critères de vulnérabilité sociale utilisés au Centre de santé du Comede

- Alimentation : lors des derniers jours, avez-vous pu manger à votre faim ? Vous êtes-vous privé d’un repas pour des raisons financières ?

- Langue : pas de maîtrise orale suffisante du français ou de l’anglais pour demander son chemin, comprendre les résultats d’un bilan, effectuer une demande de droits.

- Hébergement précaire. Y a-t-il des problèmes avec l’hébergement ?

- Isolement relationnel : personne sur qui compter, avec qui partager ses émotions.

- Isolement social : personne pour être accompagné dans ses démarches.

- Protection maladie. Absence de dispense d’avance des frais (ni CMU-C ni AME).

- Séjour : pas de droit au séjour.

- Ressources financières : inférieures au seuil de l’Allocation temporaire d’attente pour les demandeurs d’asile.



Centre de santé de Bezons : mener un état des lieux des difficultés vécues par l'accueil pour élaborer un plan d'amélioration de la qualité.
Régine Raymond, directrice administrative et financière du centre municipal de santé de Bezons, a présenté le travail qui a été réalisé avec l'équipe d'accueil afin de remédier à l'insatisfaction exprimée par certains usagers.


Le contexte : une certaine insatisfaction exprimée par des usagers
Le centre de santé recense 37600 passages en 2013, pour les les médecine générale, scialités, soins infirmiers, soins dentaires et kinésithérapie. Il emploie  25 professionnels de santé, et accueille en moyenne  2500 nouveaux patients chaque année.
Du fait d'un mécontentement exprimé par certains usagers quant à la qualité de l'accueil, le gestionnaire municipal demande qu'un travail d'amélioration soit mené.


La méthode : un état des lieux mené avec les professionnels, suivi d'un plan d'amélioration.
Deux sources d'information ont été utilisées pour élaborer un état des lieux des difficultés, et cerner leurs causes principales :

1 - L'observation :
L'observation menée par la nouvelle directrice administrative et financière a permis de mettre en évidence les périodes d'afflux sur la semaine et sur le mois, la difficulté pour les agents d'accueil de gérer le standard téléphonique tout en assurant l'accueil physique, et un problème de configuration des lieux et de circulation des usagers. La mauvaise insonorisation du hall d'accueil a également été pointée.

2 - Le recueil du ressenti des chargées d'accueil
Il était important de compléter cette première analyse par un recueil du ressenti des 4 chargées d'accueil, qui comptent entre 7 et 23 ans d'ancienneté. Celles-ci ont exprimé leur saturation face au bruit, et face à l'agressivité et l'impatience de certains usagers, prenant exemple d'un manque de courtoisie de plus en plus fréquent.
Elles ont également déploré le peu de reconnaissance qui leur était accordé au sein du centre, notamment par les autres professionnels, voire le regard négatif sur leur travail. Leurs difficultés quotidiennes n'étaient pas comprises.
Ce malaise était accentué par le manque de formation (à l'accueil, à la gestion tiers payant).

3 - Elaborer un plan d'amélioration
Le travail a été mené avec le soutien et l'écoute du médecin directeur, qui a fait le lien avec la direction générale.
·     Définition d'une programmation relative à la réorganisation du travail de l'accueil ainsi que sur la signalétique (travaux prévus en 2015): respect de l'espace de travail, luminosité, confidentialité.
·     Sensibilisation de la direction informatique à la nécessité d'avoir du matériel plus performant (changement des ordinateurs actuellement en cours).
·     Travail sur la fiche de poste: valorisation de certaines missions (saisie des actes des professionnels de santé, gestion du logiciel de vaccination), intégration d'une mission back-office (qui permet de ne pas être sur l'accueil en non-stop), requalificatif du poste d'agent d'accueil en "chargée d'accueil", plus valorisant et conforme au répertoire des métiers du CNFPT.
·     Élaboration d'une fiche de procédure sur l'accueil du patient au CMS.
·     Élaboration -en cours- d'une charte patient, à la demande de l'ensemble des professionnels du CMS et qui éclaircit les points sensibles.
·     Proposition de formation sur l’accueil et la gestion du public difficile/de l'agressivité
·     Proposition de formations techniques (couverture sociale, régimes…) dispensées par la CPAM et par Fédéforma
·     Sensibilisation des chargées d'accueil à la communication faite au congrès des centres de santé et invitation à participer à l'élaboration de la présentation et au congrès en lui-même.


Le travail n'est bien entendu pas termi et l'équipe est en attente des travaux de réaménagement de l'accueil.

Lidée est de préserver ces postes et de valoriser le personnel en prenant en compte les difficultés rencontrées afin que l'épuisement et le sentiment d'isolement ne viennent pas à bout de leur motivation à accueillir et orienter les patients.


L'expérience pantinoise : offrir aux équipes d’accueil les outils les plus pertinents pour mieux gérer les situations de tension avec les patients.

Patricia Lanaud, directrice administrative du centre municipal de santé de Pantin, a quant à elle présenté l'action mise en place à Pantin pour aider les équipes d'accueil à mieux gérer les situations de tension avec les patients. Cette mobilisation faisait suite à un incident grave, survenu dans l'un des centres et ayant généré un traumatisme pour l'ensemble de l'équipe.
me si, dans le ressenti des agents d'accueil la violence des situations auxquelles ils sont confrontés est en partie amplifiée, le sentiment d'insécurité et d'isolement qui en résulte justifie que nos institutions y répondent.
Cela a été fait, à Pantin, selon deux axes :
·                       mobilisation de toute la collectivités
·                       prise en compte de ces situations dans la due.
Au-delà des agents concernés et de leur hiérarchie, de nombreux interlocuteurs ont été impliqués : DRH, services de formation, médecine du travail, Direction générale, ergonomes, psychologues, consultants extérieurs, services de police ont é sollicités et ont appordes contributions intéressantes.
La richesse des échanges a engendré des propositions et des dispositions qui ont satisfait les agents et l'ampleur de cette mobilisation a contribué à ce qu'ils surmontent leur sentiment d'insécurité lui même facteur de situations pouvant raper.
Les situations de violence, après avoir été verbalisées et objectivées ont été analysées depuis leur amont : éléments matériels (cadre, confort, ambiance, conditions d'accueil et d'attente ), attitudes susceptibles de contribuer à la gradation des situations et des dispositions pratiques en ont découlé.
Les  situations  elles  mêmes  ont  été  analysées  afin  de  trouver  des  solutions  de  désamorçage : possibilité de relais (collègue, cadre) sur place, dorientation vers un lieu plus apaisé, réception par un responsable ; ou des solutions d'intervention dans les cas extrême (appel à des agents de la force publique). Enfin, les suites à donner aux actes de violence ont fait l'objet d'un protocole de sanction à l'encontre des auteurs validé par la collectivité.
Cette mobilisation collective en prenant en compte toute la chaîne des situations a permis de restaurer un climat plus serein et confiant qui est lui même un facteur de prévention.
En conclusion, il reste à faire vivre ce travail et sa cdibilité en en faisant un sujet d'actualité permanent et en ayant le souci de la transmission à tout intervenant intégrant les équipes des centres de santé de Pantin, cadre ou agent d'accueil.

Quelle démarche qualité pour les centres de santé ? L'expérience Qualiville.
Emilie Saderne, directrice administrative du centre municipal de santé d'Aubervilliers, est revenue sur la notion même de démarche qualité, avant de faire part de l'expérience "Qualiville" menée par les services municipaux d'Aubervilliers.
Les constantes d'une démarche qualité.
Formalisée dans les années 1970, dans l'aéronautique et l'industrie, la démarche qualité introduit la notion d’amélioration permanente grâce à l’évaluation périodique et à la mise en place de solutions correctives. Elle s'accompagne d'une obligation de formaliser et d’enregistrer des procédures de travail et de mettre en œuvre ces procédures grâces à des systèmes de traçabilité.
Autre constante dans le déploiement de systèmes qualité: la méthode. 1- Poser un diagnostic: « photographier et analyser l’existant ». 2 - Mesurer les écarts avec les objectifs du référentiel qualité que l’on souhaite atteindre. 3 - Définir un plan d’action.
S'inspirer de la démarche Qualiville pour moderniser l'accueil du centre de santé.
La démarche de modernisation de l'accueil du centre de santé d’Aubervilliers a débuté fin 2011, parallèlement à l'entrée de certains services accueils de la ville dans le process Qualiville. Il s'agit d'un label qualité spécifique aux communes, certifié par l'Afnor, et qui engage un service municipal dans une démarche de progrès sur l'accueil, l'orientation et l'information. C'est donc naturellement que la directrice administrative a décidé d’emprunter la méthode et les objectifs du référentiel Qualiville pour mener la démarche qualité au centre de santé, sans pour autant entrer formellement dans la recherche du label.
Les points de vigilence de la certification Qualiville sont notamment : les locaux accueillants (signalétique, propreté, services associés); l'existence de point accueil informatif;  de point accueil orientation, la gestion des files d’attente,  l'accueil personnalisé et la réponse personnalisée,  la formation régulière du personnel. Le système qualité doit comporter des enregistrement qui prouvent le respect des engagements.
Une enquête de satisfaction menée auprès des usagers du centre de santé en 2012 a recueilli un bon taux de participation, et a permis de faire émerger les points forts (amplitude d'ouverture, respect des rendez-vous, point orientation à l’arrivée) et les points faibles (taux de réponse au standard téléphonique, confort, signalétique, gestion des flux de patients).
D'autres points d'amélioration ont été remontés en interne : entretien des locaux, formation des agents, confidentialité de l'accueil, prise en compte de la satisfaction des patients.
Un pré-projet définissant des axes et déclinant des actions d’amélioration a alors été élaboré, et soumis à la concertation avec l'équipe. Parmi les actions phares, une formation des personnels aux techniques d'accueil a été mise en place. Le plan d'action se poursuit actuellement.
Forces et limites de cette expérience.
Un premier bilan de cette démarche permet d'en voir les forces : choisir une solution (Qualiville) « intégrée » aux démarches entreprises au niveau de la ville, une solution clairement formalisée et identifiée par tous, connue de tous les agents de la ville et « compatible » avec l’organisation des collectivités s'est avéré porteur. Cette démarche permet de démontrer le besoin de formation des agents, de valoriser les métiers et de mieux définir le métier d'accueillant. La mise en place d'indicateurs de suivi permet de réagir aux écarts par rapport aux objectifs de qualité, tout en communiquant avec les professionnels sur la base de données parlantes. Enfin, cela permet d'instaurer un "dialogue" avec les usagers, sur la base de l'enquête, et de constater les progrès réalisés dans le temps.
Toutefois, des limites ont également été pointées : conduire le changement important et durable demande beaucoup de temps et d’énergie et se heurte inévitablement à une certaine de résistance. La réussite de cette démarche est - en partie - dépendante des moyens financiers alloués. Enfin, un centre municipal  de santé est extrêmement dépendant d'autres services (téléphonie, travaux, entretien des bâtiments) qui doivent être impliqués également dans cette démarche.